Exoplanète : première mesure de la densité d’une très jeune planète avec SPIRou

Communiqué de presse Physique nucléaire et des particules Terre et Univers

Menée par des scientifiques de l’Irap (CNRS/CNES/Université Toulouse III - Paul Sabatier) et de l’Ipag (CNRS/UGA)1, une équipe de recherche, à laquelle le Laboratoire Univers et Particules de Montpellier (LUPM - CNRS/UM) a participé, vient de mesurer pour la première fois la densité interne d’une très jeune exoplanète en orbite autour d’une étoile nouvellement formée et extrêmement active. Une performance obtenue grâce au « chasseur de planètes » SPIRou du télescope Canada-France-Hawaï (TCFH) et malgré le « vacarme » généré par l’activité de l’étoile. Ces résultats sont publiés dans MNRAS le 2 février 2021.

Elle n’a pas plus de 22 millions d’années, soit à peine quelques mois si l’on ramène la durée de vie d'une étoile à celle d'un être humain. L’étoile AU Microscopii (AU Mic) est donc très jeune, tout comme le système planétaire qui l’entoure, où réside la planète géante gazeuse nommée AU Mic b.

Analysée grâce à l'instrument SPIRou, la caractérisation de cette nouvelle exoplanète est une gageure étant donné les interférences causées par son étoile.

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Le nouveau spectrographe / spectropolarimètre SPIRou, grâce auquel ces nouveaux résultats ont été obtenus, a été installé au Télescope Canada-France-Hawaii en 2018. © SPIRou team / S Chastanet (CNRS / OMP)

SPIRou a mesuré pour la première fois la masse de la planète découverte par la sonde spatiale TESS / NASA autour de l'étoile jeune AU Mic grâce aux éclipses régulières que ce Neptune chaud (~300°C) de type Neptune induit tous les 8,46 jours dans la lumière de l’étoile lors de son passage devant le disque stellaire.  À partir de cette nouvelle mesure de masse planétaire (de ~17x la masse terrestre) que SPIRou a permise, et du rayon de la planète (de ~4x le rayon de la Terre) estimé à partir des transits observés par TESS, l'équipe a pu obtenir la première estimation de la densité de la planète.  Cette dernière se révèle être à peine plus grande que celle de l'eau, soit 4x inférieure à celle de la Terre et étonnamment similaire à celle de Neptune malgré la jeunesse du système planétaire âgé de 22 millions d'années, soit à peine quelques mois si l’on ramène la durée de vie d'une étoile à celle d'un être humain.  Ce nouveau résultat pose de fortes contraintes sur les temps caractéristiques d’évolution dans les modèles de formation et de migration planétaire.

Du fait de sa jeunesse, la naine rouge de faible masse AU Mic est extrêmement active, avec à sa surface des taches géantes en comparaison de leurs analogues solaires, abritant d’intenses champs magnétiques.  Dans un tel contexte, détecter le petit signal de la planète dans le vacarme engendré par l'activité stellaire, est un défi instrumental et observationnel que SPIRou a pu relever avec brio grâce à ses capacités vélocimétriques et polarimétriques uniques.  Cette prouesse a nécessité une analyse détaillée des données SPIRou au moyen de techniques numériques complexes, qui ont permis de révéler le signal planétaire par une modélisation précise des phénomènes magnétiques opérant à la surface de l’étoile jeune.  AU Mic b devient ainsi la première planète dont la masse et la densité moyenne sont mesurées de manière fiable avec SPIRou, et la première planète jeune pour laquelle ces quantités sont connues. 

En observant AU Mic alors que la planète transite devant le disque stellaire, SPIRou a également pu estimer l'inclinaison de l’orbite planétaire, qui se révèle être bien alignée par rapport au plan équatorial de son étoile hôte (un résultat confirmé également par d’autres instruments comme ESPRESSO au VLT/ESO).  Cette orbite alignée de AU Mic b est une illustration parfaite de ce que prédit la théorie: les planètes géantes se formeraient loin de l'étoile et migreraient rapidement dans l'environnement circumstellaire immédiat par interaction gravitationnelle entre la planète en formation et le disque. La mesure du champ magnétique stellaire obtenue avec SPIRou au cours du transit a notamment permis une mesure plus fiable de l'inclinaison de l'orbite planétaire.

Pour mieux comprendre la formation des étoiles et de leur planètes, il est essentiel de voir si l’orbite de la planète est inclinée par rapport au plan équatorial de son étoile hôte. © IA/UPorto

Le système AU Mic en bref

AU Mic est une jeune étoile située à seulement 32 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Microscope.  Avec une masse de la moitié de celle du Soleil et une température d’à peine 3500°C (contre 5500°C pour le Soleil), c’est ce qu’on appelle une “naine rouge”.  AU Mic est âgée de 22 millions d'années, soit quelques mois à peine si l'on rapporte la durée de vie d'une étoile (environ 10 milliards d’années) à celle d'un être humain.  En 2018 et 2020, la sonde spatiale TESS / NASA a détecté des baisses périodiques dans le flux lumineux émis par AU Mic vers la Terre, baisses qui ont été attribuées à la présence d’une planète en transit devant le disque stellaire.  Cette planète a un rayon d’environ 4x celui de la Terre, et ne met que 8,46 jours pour accomplir une révolution autour de son étoile.  AU Mic est par ailleurs connue pour posséder un disque de débris de grand diamètre par rapport à l’orbite de la planète, qui constitue une empreinte résiduelle du disque protoplanétaire ayant donné naissance à la planète.  Des structures en mouvement dans ce disque ont été détectées et attribuées à la présence d’autres planètes dans le système de AU Mic.  De par son jeune âge, l'étoile hôte tourne 5x plus vite sur elle-même que ne le fait le Soleil, ce qui la rend extrêmement active et magnétique, avec de fréquentes éruptions monstrueusement énergétiques, et vient largement bruiter les mesures vélocimétriques. De par sa brillance dans le domaine infrarouge sondé par SPIRou, AU Mic offre de belles perspectives d'observation pour enquêter sur les planètes en orbite autour d'étoiles actives, et apparaît comme un laboratoire idéal pour tester de nouvelles méthodes de détection.

SPIRou au Télescope Canada-France-Hawaii (TCFH)

SPIRou est le nouveau spectropolarimètre et vélocimètre de haute précision récemment installé sur le télescope de 3,6 m TCFH situé au sommet du Maunakea sur la grande île d'Hawaï.  En utilisant la technique vélocimétrique grâce à laquelle des centaines d'exoplanètes ont déjà été dévoilées, SPIRou est capable de détecter les signaux périodiques induits par des planètes en orbite autour de leurs étoiles hôtes, et d’ainsi mesurer les masses des planètes détectées.  SPIRou est également capable d'effectuer en même temps une analyse polarimétrique de la lumière stellaire, permettant aux astronomes de détecter et de caractériser le champ magnétique des étoiles hôtes, et ainsi de caractériser l'activité qui pollue les données vélocimétriques. Fonctionnant dans le proche infrarouge (de 0,95 à 2,55 µm), SPIRou a été optimisé pour la détection des planètes et la cartographie des champs magnétiques des naines rouges et des étoiles jeunes, brillantes dans ce domaine de longueur d'onde. Les performances instrumentales et les capacités scientifiques de SPIRou ont été décrites récemment dans deux articles du consortium international (Donati et al 2020, Moutou et al 2020) sur la base des premières données obtenues avec SPIRou. D’ici la fin de l’année 2021 SPIRou sera secondé par SPIP, un instrument jumeau qui équipera le télescope Bernard Lyot à l’observatoire du Pic du Midi.

Détecter les planètes avec SPIRou

La vélocimétrie est une technique qui permet de mesurer la vitesse radiale d’une étoile, c’est-à-dire sa vitesse le long de la ligne de visée de l’observateur, en utilisant l’effet Doppler à la manière des radars routiers.  Il s’agit de détecter des fluctuations périodiques de la vitesse radiale d’une étoile, fluctuations dont l'amplitude renseigne sur le rapport de masse entre la planète et l’étoile, sur la distance respective des deux corps et sur l’inclinaison et la forme de l’orbite de la planète.  AU Mic b parvient à moduler la vitesse radiale de son étoile de ±8,5 m/s, une variation qui se répète régulièrement tous les 8,46 jours;  en comparaison, l’activité magnétique à la surface d’AU Mic induit des variations apparentes de vitesse radiale qui peuvent atteindre ±80 m/s en quelques jours.

L’équipe

L’équipe scientifique comprend des chercheurs de plusieurs laboratoires français dont Julien Morin du Laboratoire Univers et Particules de Montpellier (LUPM, Université de Montpellier & CNRS). SPIRou a été financé par divers partenaires en France, Canada, CFHT, Suisse, Brésil, Taiwan, et Portugal. SPIP est en principalement financé par la Région Occitanie.