Une nouvelle cible thérapeutique contre une leucémie aiguë
Au cœur des avancées avancées thérapeutiques pour soigner les leucémies aiguës myéloïdes, le projet SUMOLAM est en passe d’identifier un peptide capable d’améliorer l’efficacité des traitements. Un enjeu médical pour ce cancer de la moelle osseuse qui tue encore trois malades sur quatre. Ce projet, conduit notamment par l'IGMM, a reçu le soutien de l’I-SITE MUSE dans le cadre de son programme pour la recherche 2018.
Trouver un nouveau traitement pour les leucémies aiguës myéloïdes. L’enjeu médical est considérable pour ce cancer de la moelle osseuse mal soigné, qui représente 1% des cancers en France. Car s’il existe des traitements, majoritairement basés sur des chimiothérapies intensives, la plupart des malades rechutent. La survie à 5 ans est aujourd’hui seulement d’une personne sur quatre environ. « De plus, la chimiothérapie est très lourde : la moitié des patients ne sont pas éligibles car ils ne pourraient pas la supporter. Et les progrès thérapeutiques sont limités depuis 50 ans », explique Guillaume Bossis, directeur de recherche de l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier (Université de Montpellier, CNRS). Dans le cadre du projet SUMOLAM qu’il dirige depuis bientôt deux ans, il travaille sur une nouvelle cible thérapeutique pour lutter contre ces leucémies.
Cette cible est la sumoylation*, un enchainement de réactions enzymatiques qui bloquent les traitements. Pour bien comprendre, il faut savoir que cette leucémie est liée à une prolifération de cellules sanguines immatures et à un blocage de leur différenciation. Ce phénomène empêche la production normale de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes. Les traitements possibles de la maladie consistent à bloquer leur prolifération (chimiothérapie) ou à rétablir leur différenciation (thérapie de différenciation). « Notre première découverte a été de montrer que la sumoylation est impliquée dans la réponse des leucémies à ces deux types de thérapies », explique Guillaume Bossis. Son équipe prouve in vitro qu’une inhibition de la sumoylation favorise l’action de ces traitements. Pour envisager une utilisation clinique de cette découverte, il faut trouver des inhibiteurs des enzymes de la sumoylation. C’est sur cette base que démarre le projet SUMOLAM.
L’intérêt médical des peptides
Pour monter le projet, Guillaume Bossis s’entoure de plusieurs équipes. D’abord celle de Muriel Amblard de l’IBMM-Peptide basé à l’Université de Montpellier. Cette chimiste des peptides a montré l’efficacité des peptides pour bloquer des enzymes. Ensuite, pour trouver les peptides les plus efficaces qui permettraient d’envisager une utilisation clinique, il associe l’équipe espagnole de María Lois de l’Université de Barcelone qui a développé des tests pour analyser l’activité des peptides. Depuis un an et demi, le travail de sélection mais aussi d’amélioration des peptides a permis d’en tester environ 70 pour en trouver une dizaine qui jouent bien leur rôle d’inhibiteurs. Pour les meilleurs candidats, l’équipe cherche à améliorer encore leur efficacité en identifiant les liaisons peptides-enzymes par cristallographie, ce qui permettra de modifier le peptide pour avoir l’interaction chimique la plus forte possible.
« Les peptides sont encore peu utilisés dans la recherche médicale », explique le chercheur qui pointe l’intérêt de ces molécules par rapport à des principes actifs chimiques, grâce à leur bonne biodisponibilité et à leur faible toxicité. Si le projet avance bien in vitro, des tests sur des cellules puis des essais pré-cliniques dans un organisme vivant doivent maintenant venir confirmer cette activité des peptides. Pour cela, l’équipe travaille en collaboration avec le département d’Hématologie Clinique du CHU de Montpellier dirigé par Guillaume Cartron, qui lui donne accès aux cellules de malades de la banque d’échantillons HémoDiag, qui pourront notamment être greffées sur des souris pour les tests in vivo.
Deux brevets compagnons déposés
Dans la course de la recherche médicale, un autre acteur est en lice pour trouver un inhibiteur de sumoylation : le laboratoire japonais Takeda Pharmaceutical conduit aujourd’hui des études cliniques pour une molécule chimique. Mais Guillaume Bossis ne se désole pas au contraire : « La multiplication des traitements efficaces est nécessaire face à la capacité des cellules leucémiques à résister aux traitements. Une thérapie associant plusieurs molécules ciblant la même protéine peut permettre de retarder ces phénomènes de résistance. »
Face à l’avancée des recherches, l’équipe projette de déposer un brevet sur un inhibiteur de la sumoylation d’ici la fin du projet. Deux brevets compagnons ont d’ailleurs déjà été déposés, en particulier un test pour suivre l’efficacité des inhibiteurs. Quant à l’application d’un nouveau traitement contre les leucémies aiguës myéloïdes, l’équipe est prête à aller jusqu’au bout si aucun laboratoire ne reprend la phase de test, en créant une start-up ad hoc.
* La sumoylation est un enchainement de réactions enzymatiques qui conduisent à la conjugaison de la protéine SUMO sur des milliers de protéines pour en modifier la fonction et le devenir.