Convertir un rayonnement thermique en électricité : un cap franchi
Des équipes de chercheurs du Centre d'énergétique et de thermique de Lyon et de l’Institut d'électronique et des systèmes ont démontré la possibilité de convertir du rayonnement thermique issu d’une surface de température modérée (~450 °C) en puissance électrique avec un rendement supérieur à 10 %. En approchant la surface émettrice à faible distance de la cellule photovoltaïque infrarouge, une densité de puissance électrique mille fois plus élevée que celle des études précédentes a été obtenue.
La récupération de l’énergie du milieu ambiant est un défi scientifique clé pour développer la production d’énergie décarbonée, sans émission de gaz à effet de serre. La conversion photovoltaïque (PV), qui permet de récupérer la lumière visible et proche infrarouge émise par le soleil, est aujourd’hui bien connue. Il est aussi possible de récupérer le rayonnement thermique issu des surfaces chaudes, dans la gamme spectrale du moyen infrarouge : c’est ce qu’on appelle la conversion thermophotovoltaïque (TPV). Ce domaine est en plein essor depuis dix ans.
Des résultats récents ont démontré qu’il est possible d’atteindre un rendement de conversion de l’ordre de 30 % pour des cellules thermophotovoltaïques si la partie inefficace du rayonnement, qui ne peut pas être convertie, n’est pas absorbée. Malheureusement, cette amélioration du rendement n’augmente pas la densité de puissance électrique extraite, qui reste limitée à quelques kW/m2 par la loi de Planck, et requiert des températures d’émetteurs très élevées, supérieures à 1000 °C. En 2008, il a cependant été démontré expérimentalement que la puissance radiative échangée par deux corps distants de quelques centaines voire dizaines de nanomètres – on dit alors qu’ils sont « en champ proche » - peut surpasser la limite de Planck. Un effet tunnel de photon permet en effet de transférer alors une quantité de rayonnement bien plus importante.
Des expériences récentes des équipes du Centre d’Energétique et de Thermique de Lyon (CETHIL, CNRS / INSA Lyon, associés à l’UCBL) et de l’Institut d’Electronique et des Systèmes (IES, CNRS / Université de Montpellier) utilisent cet effet puis convertissent le rayonnement échangé en puissance électrique. Les chercheurs ont ainsi obtenu des puissances électriques surfaciques de 7 kW/m2, une performance environ mille fois plus élevée que les précédentes études en champ proche. Ce niveau de puissance surfacique est comparable aux meilleures performances obtenues en champ lointain, mais avec une température bien plus basse (~450 °C) donc plus proche des températures des sources de chaleur communes. Il a notamment été salué au cours du colloque international sur les innovations thermiques organisé en ligne par le MIT en 2020.
Cette performance est rendue possible par l’utilisation de cellules « à très bas gap », pour lesquelles la bande d’énergie interdite des photons (~0,2 eV) est associée à des longueurs d’onde dans l’infrarouge, ce qui permet des rendements de conversion de l’ordre de 10 à 20%. Ces cellules sont réalisées en antimoniure d’indium (InSb). Elles nécessitent pour l’instant d’être refroidies (77 K), mais les travaux montrent que d’autres stratégies pour obtenir des cellules « à très bas gap » qui fonctionneraient à température ambiante semblent viables. Des micro-cellules ont été utilisées dans ces premiers tests, qui permettent de produire une puissance de quelques microwatts. Un axe de développement consiste donc maintenant à augmenter la taille de ces dispositifs prometteurs.
Références
Near-Field Thermophotovoltaic Conversion with High Electrical Power Density and Cell Efficiency above 14%
C. Lucchesi, D. Cakiroglu, J.-P. Perez, T. Taliercio, E. Tournié, P.-O. Chapuis, R. Vaillon, Nano Letters, asap (2021)
Voir aussi :
Thermophotovoltaïque : des cellules PV pour convertir le rayonnement thermique
C. Lucchesi, R. Vaillon, P.O. Chapuis, Photoniques 105, 37-40 (2020)