Connectivité marine et gestion durable des mers et des océans
Présidée par Audrey Darnaude, chercheuse CNRS au laboratoire MARBEC1 , l’action européenne COST SEA-UNICORN (Unifying Approaches to Marine Connectivity for improved Resource Management for the Seas) rassemble plus de 150 scientifiques, gestionnaires et décideurs de 35 pays. Les objectifs de cette COST Action sont de mieux décrire la connectivité marine afin de développer une économie bleue durable et respectueuse de l'environnement.
- 1Le Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC) est une unité mixte de recherche du CNRS, de l’université de Montpellier, de l’IRD et de l’Ifremer. Le Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques (LECOB - CNRS / Sorbonne Université), l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (ISEM - CNRS / UM / IRD /EPHE / Cirad / Inrap) et le Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE - CNRS / UPVD / EPHE / PSL) font partie des partenaires du projet.
Les mers et océans recouvrent plus de 70% de la surface du globe, représentent la 7ème économie mondiale et fournissent de multiples services écosystémiques, dont certains sont vitaux pour l'avenir de notre planète et de nos sociétés (pêcheries, protection des côtes, régulation du climat). Il est donc urgent d'adopter une économie bleue durable et respectueuse de l'environnement.
Les écosystèmes marins sont particulièrement vulnérables aux diverses pressions anthropiques qui les affectent simultanément (perte d’habitats, surpêche, changement climatique). Au cours du siècle dernier, près de 90% des grands prédateurs marins ont disparu et de nombreux habitats côtiers et océaniques ont été détruits ou très sévèrement endommagés, entraînant un déclin de la biodiversité marine sans précédent. L’ensemble de ces changements menace le fonctionnement et la capacité de résilience des écosystèmes marins et littoraux. Étant donné le destin lié des habitats marins et terrestres dans le fonctionnement de notre biosphère, l'adoption rapide de mesures pour la gestion durable et la protection des mers et des océans est nécessaire afin d’endiguer les conséquences potentiellement dramatiques des changements en cours. Pour cela, une des premières urgences est d'estimer au mieux la distribution de la biodiversité marine et son rôle dans le fonctionnement des écosystèmes, ainsi que le degré de connectivité entre les populations et les habitats marins. En effet, cette connaissance est indispensable non seulement pour protéger les ressources et les habitats vulnérables, mais aussi pour lutter contre la propagation des pathogènes et des espèces invasives, positionner des réseaux d’aires marines protégées efficaces et proposer des stratégies durables pour la gestion des ressources exploitées.
" Dans l’océan, les habitats et les ressources vivantes sont étroitement interconnectés. Pourtant, notre connaissance de ces connections et de leur variabilité dans le temps et dans l'espace est loin d’être complète, et la connectivité au niveau des communautés ou des écosystèmes n’est que très rarement prise en compte dans les plans de gestion et les politiques maritimes. C’est ce à quoi nous avons l’intention de remédier grâce à cette COST Action, qui arrive à un moment particulièrement opportun avec le lancement de la Décennie pour les Sciences Océaniques au Service du Développement Durable de l'ONU." indique Audrey Darnaude, chargée de recherche CNRS au laboratoire MARBEC (Montpellier) et présidente de l’Action.
Un défi majeur
Estimer la connectivité en mer est une tâche très compliquée car les écosystèmes marins sont vastes, souvent profonds et particulièrement difficiles à atteindre et à surveiller. C'est pourquoi, jusqu'à présent, les études dans ce domaine se sont surtout limitées à décrire et/ou modéliser les mouvements et la distribution des individus, des populations ou des espèces. Cependant, l'avancée récente des concepts et des outils en écologie fonctionnelle permet dorénavant de relier les mouvements des organismes aux fonctions qu'ils assurent dans les écosystèmes. L'harmonisation des recherches entre disciplines et la combinaison des méthodes existantes avec ces approches innovantes devrait faire progresser la recherche sur la Connectivité Marine au-delà de ses limites actuelles et l'intégrer à l'échelle des communautés et des écosystèmes, notamment via l'émergence du concept de Connectivité Marine Fonctionnelle (CMF). La CMF caractérise l'ensemble des flux migratoires des organismes marins qui déterminent l'interdépendance des populations, des espèces et des écosystèmes, en mer mais aussi à l'interface mer-continent. Son étude permet de mieux comprendre les relations complexes entre les espèces ou les communautés marines et le fonctionnement des différents habitats dont elles dépendent, pour mieux identifier les causes et les conséquences des modifications de la distribution spatio-temporelle de la biodiversité marine. Par conséquent, une connaissance approfondie de la CMF peut grandement améliorer notre capacité à adopter des stratégies plus pertinentes pour la gestion et la conservation des écosystèmes marins et de leur biodiversité. Ceci devrait notamment permettre d'étayer les politiques marines en appui des Objectifs de Développement Durable pour un Océan fonctionnel décrits dans le programme 2021-2030 de la Décennie pour les Sciences Océaniques au Service du Développement Durable de l'ONU.
L'Action engagée
La COST Action SEA-UNICORN, programme de l'Union Européenne, rassemble une vaste communauté de scientifiques, essentiellement basés en Europe, mais aussi sur le pourtour méditerranéen, en Australie et aux USA. Ces chercheurs travaillent dans tous les champs disciplinaires qui étudient la CMF et possèdent une expertise étendue dans ce domaine, couvrant tous les océans du globe et l'ensemble des taxons marins (des virus aux baleines). Cette diversité permettra à la COST Action de faire progresser considérablement les connaissances en matière de CMF et de générer des avancées précieuses, sur le plan scientifique et méthodologique. L'action vise également à renforcer le lien entre les scientifiques, les gestionnaires et les différents acteurs du domaine marin afin de promouvoir l'intégration des connaissances sur la connectivité marine dans les outils d'aide à la décision pour la gestion et les politiques environnementales. Cette intégration aidera à définir des mesures de conservation appropriées pour la planification spatiale et la gouvernance.
" En améliorant nos connaissances sur les flux d'organismes en mer et leurs conséquences écologiques et génétiques, et en veillant à ce qu'elles correspondent aux besoins des gestionnaires et des décideurs nationaux et internationaux, nous espérons contribuer à la définition de stratégies adéquates pour une gestion durable des écosystèmes et des ressources, en mer mais aussi à l'interface terre-mer." précise Oscar Gaggiotti, professeur à l'Université de St Andrews au Royaume Uni et vice-président de l'Action.