Analyse d’une explosion cosmique exceptionnelle
Le 29 août 2019, les scientifiques enregistrent une explosion cosmique parmi les plus brillantes jamais observées dans l’Univers. Ce sursaut gamma a émis les photons les plus énergétiques jamais détectés dans ce type d’événement. L’analyse des données recueillies remet en question l’origine des rayons produits lors de l’explosion. Ces résultats font l’objet d’une publication par l'équipe internationale à laquelle participent des chercheurs du CEA et du CNRS dans la revue Science le 4 juin 2021.
Ces travaux sont menés par la collaboration HESS à laquelle le LUPM participe.
"Les sursauts gamma sont des flashs lumineux de rayons X et gamma observés dans le ciel, émis par des sources extragalactiques lointaines", explique Edna Ruiz Velasco du MPIK à Heidelberg en Allemagne, l'un des auteurs correspondants de l'article. "Ce sont les explosions les plus violentes de l'Univers et celles qui durent plus de quelques secondes sont vraisemblablement associées à l'effondrement d'une étoile massive en un trou noir". Les émissions des sursauts se divisent en deux phases distinctes : une phase initiale et chaotique qui dure quelques dizaines de secondes, suivie d'une phase de rémanence de longue durée qui s'estompe doucement.
L’observation exceptionnelle du sursaut gamma parmi les plus proches jamais enregistrés
Le 29 août 2019, les satellites Fermi et Swift ont détecté un sursaut gamma dans la constellation d'Eridanus. L'événement, catalogué comme GRB 190829A, selon sa date d'apparition, s'est avéré être l'un des sursauts gamma les plus proches observés jusqu'à présent, avec une distance d'environ un milliard d'années-lumière. À titre de comparaison, les sursauts typiques se situent à environ 20 milliards d'années-lumière. L'équipe a capté la rémanence de l'explosion dès qu'elle est devenue visible pour les télescopes H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System) en Namibie. "Le signal était suffisamment fort pour être détecté immédiatement ! Cela nous a permis d'informer rapidement la communauté mondiale", note Fabian Schüssler du CEA-Irfu qui coordonne l’équipe en charge de l’analyse de ce sursaut gamma.
La distance relativement petite de ce sursaut gamma a permis de mesurer en détail le spectre de la rémanence, c'est-à-dire la distribution des énergies des photons du rayonnement. Le spectre du GRB 190829A a ainsi pu être déterminé jusqu'à une énergie de 3,3 téra-électronvolts, soit environ un trillion de fois l'énergie des photons de la lumière visible. Il s'agit de l'énergie la plus élevée d'un sursaut gamma enregistrée à ce jour. Comme le GRB 190829A s'est produit dans notre arrière-cour cosmique, ses photons à très haute énergie n'ont pas été absorbés par des collisions avec la lumière de fond sur leur chemin vers la Terre, comme cela se produit sur de plus grandes distances.
Une observation qui remet en question la théorie des sursauts gamma dans l'Univers
“H.E.S.S. a pu suivre la rémanence jusqu'à trois jours après l'explosion initiale” explique Fabian Schüssler. Le résultat a été surprenant : les observations ont révélé de curieuses similitudes entre les émissions de rayons X et de rayons gamma de très haute énergie de la rémanence de l'explosion. Contrairement aux théories établies qui supposent que les deux composantes de l'émission doivent être produites par des mécanismes distincts, les observations de la rémanence du GRB 190829A montrent que les rayons X et rayons gamma ont diminué de manière synchronisée. De plus, le spectre en énergie des rayons gamma correspond clairement à une extrapolation du spectre des rayons X. Ces résultats indiquent que les rayons X et les rayons gamma de très haute énergie de cette rémanence ont été produits par le même mécanisme et en même temps.
"La portée de cette possibilité souligne la nécessité de poursuivre les études sur l'émission de rémanence des sursauts gamma à très haute énergie", note Mathieu de Naurois, directeur adjoint de l'observatoire H.E.S.S. et chercheur au LLR, France. GRB 190829A est seulement le quatrième sursaut gamma détecté depuis le sol. Cependant, les explosions détectées précédemment se sont produites beaucoup plus loin dans le Cosmos et leur rémanence n'a pu être observée que pendant quelques heures chacune et pas à des énergies supérieures à 1 téra-électronvolt.
Les perspectives de détection des sursauts gamma par les instruments de prochaine génération semblent prometteuses : les scientifiques s'attendent à ce que des détections régulières dans la bande de très haute énergie deviennent courantes avec des instruments améliorés, ce qui aidera à comprendre pleinement ces explosions cosmiques gargantuesques.
Ce communiqué a été diffusé par le CEA.
Référence
Revealing x-ray and gamma ray temporal and spectral similarities in the GRB 190829A afterglow. H.E.S.S. collaboration. Science, 4 juin 2021. DOI : 10.1126/science.abe8560